mercredi 13 août 2008

Mahmoud Darwich

L'hirondelle des Tatars

A la mesure de mes chevaux sera le ciel
J'ai rêvé de ce qui adviendra l'après-midi
Les Tatars avançaient sous le ciel et moi
Ils ne rêvaient pas sous leurs tentes
dressées, et
Ne connaissaient pas les destinées de nos
chèvres
Dans la flambée de l'hiver proche
A la mesure de mes chevaux sera le soir
Les Tatars glissaient leurs noms dans les
toitures des villages
Comme les hirondelles
Et ils s'endormaient paisibles entre nos épis
Et ne rêvaient pas de ce qui advient
l'après-midi
Quans le ciel rentre, pas à pas
Chez les siens



Nous faisons un seul rêve
Que le vent passe en ami, et
Embaume du parfum du café arabe
Les collines entourant l'été et les étrangers
Je suis mon rêve. A chaque fois que la terre se
resserre
Je l'élargis d'une aile d'hirondelle. Et je
m'élargis
Je suis mon rêve
Et dans la cohue, je me suis empli du miroir
de mon âme et de mes interrogations
Sur des planètes qui passent aux pieds de
ceux que j'aime
dans mon isolement, des chemins
Pour les pélerins vers la Jérusalem des mots
Plumes arrachées et éparpillées sur les pierres
Combien de prophètes faut-il à la ville pour
qu'elle retienne le nom de son père, et fasse
contrition
"Suis-je tombé sans combat" ?
Combien de ciels alternera-t-elle, dans chaque
peuple
Pour que son châle écarlate lui plaise ?
Ne nous fixe pas ainsi, mon rêve
Ne sois pas le dernier des martyrs



Je crains pour mon rêve de l'évidence du
papillon
Et des taches de mûres sur le hennissement
du cheval
Je crains pour lui du père, et du fils et des
passants sur le littoral méditerranéeen
En quête des dieux et de l'or des précurseurs
Je crains pour mon rêve de mes mains
Et d'une étoile debout
Sur mon épaule, qui attend le chant



Nous avons, nous les habitants des nuits
anciennes, nos habitudes
dans l'ascension vers la lune de la rime
Nous croyons nos rêves et démentons nos
jours
Nos jours n'étaient pas tous à nos côtés, à
l'arrivée des Tatars
Et les voilà qui se préparent au départ
Oubliant nos jours derrière eux. Sous peu
Nous nous poserons sur notre âge dans les champs
Et nous couperons nos drapeaux dans des
draps immaculés
Si le drapeau est inévitable, qu'il soit nu
De symboles qui le rident. Et soyons paisibles
Que nos rêvent ne s'envolent derrière la
caravane des étrangers



Nous avons un seul rêve
Retrouver le rêve qui nous portait, ainsi que
l'étoile
Porte les morts

Mahmoud Darwich, Pourquoi as-tu laissé le cheval à sa solitude ?
(traduction de l'arabe palestinien par Elias Sanbar)

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