samedi 9 août 2008

Régine Crespin / Mélodie française

Emission de télévison avec B. Gavoty (1964) accompagnateur Ch. Ivani



"Soir" de G. Fauré sur un poème d'A. Samain

Elégie

A Gabriel Randon.

[Quand la nuit verse sa tristesse au firmament,
Et que, pâle au balcon, de ton calme visage
Le signe essentiel hors du temps se dégage,
Ce qui t'adore en moi s'émeut profondément.

C'est l'heure de pensée où s'allument les lampes.
La ville, où peu à peu toute rumeur s'éteint,
Déserte, se recule en un vague lointain
Et prend cette douceur des anciennes estampes.

Graves, nous nous taisons. Un mot tombe parfois,
Fragile pont où l'âme à l'âme communique.
Le ciel se décolore ; et c'est un charme unique
Cette fuite du temps, il semble, entre nos doigts.

Je resterais ainsi des heures, des années,
Sans épuiser jamais la douceur de sentir
Ta tête aux lourds cheveux sur moi s'appesantir,
Comme morte parmi les lumières fanées.

C'est le lac endormi de l'heure à l'unisson,
La halte au bord du puits, le repos dans les roses ;
Et par de longs fils d'or nos coeurs liés aux choses
Sous l'invisible archet vibrent d'un long frisson.

Oh ! garder à jamais l'heure élue entre toutes,
Pour que son souvenir, comme un parfum séché,
Quand nous serons plus tard las d'avoir trop marché,
Console notre coeur, seul, le soir, sur les routes.]

Voici que, les jardins de la nuit vont fleurir.
Les lignes, les couleurs, les sons deviennent vagues.
Vois, le dernier rayon agonise à tes bagues.
Ma soeur, entends-tu pas quelque chose mourir !...

Mets sur mon front tes mains fraîches comme une eau pure,
Mets sur mes yeux tes mains douces comme des fleurs,
Et que mon âme, où vit le goût secret des pleurs,
Soit comme un lis fidèle et pâle à ta ceinture.

C'est la Pitié qui pose ainsi son doigt sur nous ;
Et tout ce que la terre a de soupirs qui montent,
Il semble qu'à mon coeur enivré, le racontent
Tes yeux levés au ciel si tristes et si doux.

Albert Samain, Au jardin de l'infante




"le spectre de la rose" de Berlioz sur un poème de Gautier

Le spectre de la rose

Soulève ta paupière close
Qu'effleure un songe virginal ;
Je suis le spectre d'une rose
Que tu portais hier au bal.
Tu me pris encore emperlée
Des pleurs d'argent de l'arrosoir,
Et parmi la fête étoilée
Tu me promenas tout le soir.

Ô toi qui de ma mort fus cause,
Sans que tu puisses le chasser
Toute la nuit mon spectre rose
A ton chevet viendra danser.
Mais ne crains rien, je ne réclame
Ni messe, ni De Profundis ;
Ce léger parfum est mon âme
Et j'arrive du paradis.

Mon destin fut digne d'envie :
Pour avoir un trépas si beau,
Plus d'un aurait donné sa vie,
Car j'ai ta gorge pour tombeau,
Et sur l'albâtre où je repose
Un poète avec un baiser
Ecrivit : Ci-gît une rose
Que tous les rois vont jalouser

Théophile Gautier

Entretien avec B. Gavoty (1964) sur les styles musicaux et le chant en français / allemand / italien

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