mardi 11 novembre 2008

90ème anniversaire de l'armistice de 1918

Je suis née dans le Nord de la France en 1963, j'ai grandi sur, ou très près [de], les "théâtres d'opérations militaires" (comme disent les chefs d'état-major), où se jouèrent quelques scènes mémorables des deux affolantes et atroces tragédies que furent les deux guerres mondiales. On m'a raconté, comme à beaucoup d'autres des anecdotes pittoresques, cocasses et émouvantes de Louis d'Or-talisman cousu dans une capote dont mon arrière-grand-père ne se déshabillait jamais par peur de mourir ; d'asticots qui avaient sauvé une jambe ; les cauchemars d'un autre proche qui revécut Verdun toutes les nuits jusqu'à sa mort ; des histoires tristes et belles de mort des hommes et de longue et douloureuse patience des femmes ; des enfants envoyés à la campagne loin du front ou de l'occupant ; des peurs de petites filles, emportant à la cave leur petite valise toujours prête sous les bombardements de Lille ; la résistance rail en gare de Lille.
Tout cela fut aussi la vie de mes arrière-grands-parents, grands-parents et parents.
Ces récits appartiennent à la mémoire familiale. Ils constituaient, quand j'étais enfant, une sorte de mythologie romanesque qui dans mon imaginaire rapprochaient mes ancêtres des héros grecs dont je lisais les aventures avec passion.

Mais la guerre nous entourait insidieusement et refaisait surface parfois dramatiquement dans ma vraie vie d'enfant, dans un curieux mélange où les deux guerres se répondaient. Il y avait d'abord, plusieurs fois par an les cérémonies de commémoration, pour lesquelles ma mère, édile locale, "s'habillait" et défilait. Grandes et solennelles messes républicaines expiatoires, peut-être nécessaires mais à coup sûr dérisoires, où les enfants des écoles étaient spécialement destinés au dépôt de la gerbe. Dunkerque, dévastée et à peine reconstruite, ville pourtant attachante où je suis allée au lycée. Partout autour de nous les monuments, les maisons, les paysages gardaient les traces de ces dévastations. Les douilles parfois dans les dunes le dimanche, à Oye-Plage. Et dans le sable froid et blond, les petits morceaux de métal coupants ou rouillés auxquels nous n'avions pas le droit de toucher. Les munitions étaient encore facilement disponibles pour peu qu'on se donnât la peine de chercher un peu. Les garçons démontaient les obus pour en extraire la poudre et faire des pétards et des fusées. Hervé, un élève de mon père n'eut pas de chance, qui se mutila à mort, en manipulant des munitions de la première guerre mondiale, ramassées dans les champs, stockées et oubliées dans un garage. On me raconta aussi l'histoire d'un laboureur et de son cheval attelé à la charrue, pulvérisés après avoir heurté un obus remonté des profondeurs de la terre. Le récit de l'explosion avait quelque chose de fantastique et avait suscité en moi des interrogations métaphysiques et torturantes quant au devenir et à l'intégrité ontologique de ces deux êtres définitivement mêlés l'un à l'autre : on pouvait donc être retiré aussi violemment et brutalement du monde des vivants, se volatiliser et n'être plus rien ?

Et puis d'autres dimanches de temps en temps, les cimetières et mémoriaux, dans la Somme ou en Belgique, les petits musées locaux qui racontaient un peu les tranchées et la vie des poilus, les noms de tous ces jeunes hommes gravés dans la pierre en listes interminables qui finalement les rendaient à l'anonymat et à l'écoeurante banalité des massacres de masse, les croix blanches bien rangées, toutes incompréhensiblement identiques. Cette calme et insoutenable monotonie des cimetières militaires. Les guerres, la première guerre mondiale étaient comme un décor et un horizon irréels, un peu fascinants quoique flous, miroitant au loin de mes préoccupations d'enfant choyée et vivant dans la paix. De tout cela je n'avais qu'une conscience très confuse. A partir de l'adolescence, je me suis beaucoup intéressée volontairement à la première guerre mondiale, mais je crois que ce sont aussi les souvenirs flous et ces vagues -mais très justes- émotions de l'enfance qui font nos vies, nos choix et nos colères d'adultes.
De tout cela je veux garder la mémoire vive et je veux rendre aujourd'hui modestement hommage à tous ces êtres, proches aimés ou anonymes de tous les pays, dont les existences furent plongées dans l'atrocité et la mort, alors qu'ils n'avaient le plus souvent pour seule richesse que leur propre promesse et qu'ils n'attendaient sans doute pas grand chose d'autre de la vie que la possibilité de la vivre en paix.



La chanson de Craonne a accompagné les mutineries de 1917, consécutives à l'hécatombe désastreuse que fut l'offensive du Chemin des Dames et évoque une autre bataille qui eut lieu à Craonne entre avril et mai 1917. Elle est devenue, au-delà des événements qu'elle relate, une des chansons emblématique pacifiste et engagée que compte le répertoire français (avec "La butte rouge", Giroflé-Girofla", "Le déserteur", "A tous les enfants" de B. Vian ...). Elle est interprétée ici par Marc Ogeret.



A tous les enfants (Boris Vian, Joan Baez)



Giroflé-Girofla (Rosa Holt, Yves Montand)


Giroflé-Girofla est un texte de Rosa Holt(1935), poète anti-nazie réfugiée en France après l'arrivée d'Hitler au pouvoir en 1933. Ce texte fut mis en musique par Henri Goublier en 1937 sur une ronde populaire enfantine. Elle fut chantée avant la guerre au caveau de la République et l'interprétation qu'en fit Y. Montand sur le disque "Chansons populaires de France" contribua grandement à la faire connaître dans les anneés 50.





CRID 14/18
Le Collectif de recherche international et de débat sur la guerre de 1914-1918 est une association de chercheurs qui vise au progrès et à la diffusion des connaissances sur la Première Guerre mondiale.Pour cela, il met à la disposition de tous des textes et des outils scientifiques et pédagogiques, et un dictionnaire des témoignages. Pour en savoir plus sur le Crid 14-18, on peut consulter sa Charte et la liste des ses membres.
Un Forum de discussion permet d'échanger idées et informations. L'Agenda indique les conférences, journées d'études, rencontres publiques qui sont organisées.

Association à but scientifique, il se veut le cadre d’échanges et de débats permettant l’enrichissement de la démarche de recherche de tous ses membres. Il se donne pour objectif l’organisation de colloques scientifiques, l’animation de groupes de travail thématiques, le lancement d’enquêtes collectives et de publications, initiatives au sein desquelles chaque membre peut participer selon ses compétences, sa disponibilité et l’intérêt qu’il y porte, sur un strict pied d’égalité. Les principes qu’il met en œuvre sont ceux de la recherche scientifique, l’utilisation et la critique de tous les documents disponibles sans aucun a priori, la confrontation rigoureuse des travaux déjà publiés, la construction des objets historiques en s’appuyant sur les acquis des sciences sociales.
Le CRID 14-18 a pour origine la rencontre d’universitaires, d’historiens non professionnels et de membres de sociétés savantes sur le terrain même des combats de 1914-1918. S’il manifeste son attachement durable à ce terrain par l’installation de son siège à Craonne (Aisne), le CRID 14-18 n’entend pratiquer aucune restriction de lieu et il se donne au contraire pour objet de contribuer aux études historiques sur la Guerre de 1914-1918 sur l’ensemble du territoire (sur les lieux de l’ancien front comme dans les autres départements, en métropole comme dans les DOM-TOM, et l’ensemble des anciennes colonies) et au-delà dans tous les pays avec lesquels il a l’occasion d’entretenir des liens.
Extrait de la charte du CRID
http://www.crid1418.org/



Aucun commentaire: